Entreprendre
c’est user d’audace, comprendre son marché et adopter une stratégie
adaptée pour le conquérir. C’est ce qu'on apprend dans les écoles de management et qui s’est toujours vérifié. Des
sociétés comme Intel , Microsoft ou Google en sont les emblèmes les plus
connus de par le monde. Des capitaines d’industrie comme Richard Branson, Larry
Ellison ou Bill Gates sont aujourd’hui écoutés par les jeunes dirigeants et les
entrepreneurs en herbe à travers les réseaux sociaux, les conférences et les
journaux spécialisés.
Nous avons décidé d’interviewer un jeune dirigeant
audacieux, un entrepreneur qui a pris le risque très tôt dans sa carrière de créer sa société sur la base d’une bonne
idée. Et ce qui nous a le plus marqué dans son entreprise c’est qu'elle est
également citoyenne, qu'elle se
préoccupe autant de l’écologie que de la réinsertion sociale.
Ce dirigeant s’appelle Olivier Desurmont, le créateur en
2004 de SINEO, entreprise spécialisée dans le lavage écologique de véhicule
qu’il a dirigé pendant 7 ans avant de se lancer dans un nouveau projet entrepreneurial, autour de la
mobilité internationale, qui donne lieu en juillet 2012 au lancement de la
société Cooptalis.
Bickley Park :
Olivier Desurmont, qu'est ce qui vous a amené
à fonder SINEO en 2004 ?
Olivier Desurmont :
Après 3 ans d’une première expérience professionnelle dans un grand groupe,
j’étais certain d’avoir envie d’autres choses : l’envie d’entreprendre et
l’envie de donner du sens à mon parcours professionnel. Je me suis donc mis à
la recherche d’une idée de création d’entreprise. L’été 2003, la France a connu
un épisode dramatique de sécheresse et les premiers arrêtés préfectoraux
interdisant l’arrosage des pelouses, le remplissage des piscines et le lavage
des voitures sont sortis. C’était le déclic, transformer une contrainte en
opportunité, je me suis dit qu'il fallait proposer une alternative écologique
au lavage des voitures – c’était un secteur que je ne connaissais pas du tout,
je n’aime pas particulièrement les voitures et j’avais du laver la mienne 2 ou
3 fois dans ma vie auparavant…-. Après avoir donc étudié le marché du nettoyage
des voitures, je n’ai rien trouvé de très innovant, écologique et social. J’ai
donc donné ma démission et me suis lancé dans l’aventure.
Bickley Park :
Comment a réagi votre entourage
quand vous avez décidé de vous lancer dans cette création d’entreprise aussi jeune ?
Olivier Desurmont :
J’avais un bon poste, un bon salaire et des collègues et responsables de
qualité dans ma précédente entreprise. Mon entourage familial était très
rassuré de me voir évoluer dans cet environnement. J’ai annoncé lors d’un repas
de famille que j’avais démissionné pour créer une société de lavage de
véhicules , en plus avec une technique innovante et sans eau, tout le monde
était inquiet pour moi. J’ai été soutenu du début à la fin de cette aventure
par mon entourage même si l’incrédulité
et les appréhensions étaient bien présentes au départ.
Bickley Park :
De quelles aides avez vous bénéficié
de la sphère publique et privée et comment les avez vous obtenues ?
Olivier Desurmont :
J’avais environ 5000€ pour démarrer cette aventure et aucune expérience de
création et pilotage d’entreprise. Je suis donc allé chercher de l’aide auprès
de plusieurs structures. J’ai trouvé au sein du Réseau Entreprendre une famille
d’entrepreneurs qui m’a, en plus d’une aide financière, permis de grandir dans
mon rôle de chef d’entreprise. J’ai également reçu le soutien du réseau
Initiative, de France Active, du Conseil Régional, d’OSEO et de plusieurs
fondations : Total, Anber, Macif,…
Nous avons la chance, dans le nord, d’avoir un réseau assez dense de
structures d’accompagnement à la création ou reprise d’entreprise. La chambre de Commerce a été également d’un
précieux secours sur de nombreuses problématiques (environnement, chimie Verte,
International,…).
Bickley Park :
Quels ont été les principaux vecteurs du
développement rapide (450 personnes, 12 millions d’euros de chiffre
d’affaires, une quarantaine de centres en France et en Belgique) qu’a connu
SINEO en 7 ans ?
Olivier Desurmont :
Plusieurs facteurs ont permis ce développement rapide: d’abord, le fait que les
premiers centres ont très vite connu un succès commercial (innovation de
services, concept différenciant), ensuite la médiatisation très forte de
l’entreprise dont le concept alliant écologie et social a beaucoup plu, nous
avons eu plus de 200 passages TV, Radio, Presse, Web… Enfin j’ai accepté l’idée
d’ouvrir mon capital en 2007 et à la suite de cette première opération, nous
avons injecté plus de 2 millions d’euros dans la société. L’entreprise a donc
pu se développer rapidement.
Bickley Park :
Beaucoup de jeunes créateurs d’entreprise partent d’une bonne idée mais leur
société s’arrête avant son deuxième anniversaire ; que conseillez-vous aux
candidats à la création d’entreprise pour passer
ce cap difficile des deux ans ?
Olivier Desurmont :
La réussite d’une entreprise est une alchimie très complexe : il faut la
bonne idée au bon moment, il y aussi une part de chance. La frontière entre le
succès et l’échec est très mince. Les conseils que je peux donner sont de
mettre un maximum d’atouts de son côté :
1/ Avoir de bons outils de pilotage : tableau de bord,
suivi de trésorerie.
2/ Renforcer son plan de financement et ne pas hésiter à
demander plus que ce dont on pense avoir besoin.
3/ Maîtriser son développement: ne pas aller trop vite, il
est nécessaire de poser de bonnes bases avant d’accélérer le développement.
4/ Choisir soigneusement ses collaborateurs, un mauvais
recrutement est toujours pénalisant, c’est encore plus le cas pour une jeune
entreprise.
Bickley Park :
La communication a beaucoup changé
ces dernières années depuis l’avènement
des réseaux sociaux, comment voyez-vous l’usage de ces derniers pour le
jeune créateur d’entreprise ?
Olivier Desurmont :
Les réseaux sociaux ont pris une place très importante dans de nombreux
secteurs d’activités dont le recrutement, mon métier aujourd’hui. C’est
également une vitrine ouverte sur le monde entier pour les entreprises. Il est
essentiel d’y être présent mais aussi de maîtriser la communication sur ces
réseaux.
Bickley Park :
Pensez-vous que l’entreprise doit dès
ses débuts s’inscrire dans une logique
citoyenne comme la préservation de l’environnement, l’emploi des jeunes et
des seniors, le respect de la diversité ? Si oui, comment ?
Olivier Desurmont :
Je suis persuadé qu'il est indispensable de mettre en place des politiques RSE
dans nos entreprises. Quand on a l’opportunité de le faire dès le début, c’est
plus simple alors que la conduite du changement pour appliquer des dynamiques
RSE dans des structures existantes s’avère souvent longue et parfois coûteuse.
Les entreprises qui ne prennent pas le bon virage environnemental et social en
ce moment vont souffrir dans les années à venir. J’interviens régulièrement
dans de grandes écoles. Aujourd’hui la majorité de ces jeunes issus de grandes
écoles de commerce ou d’ingénieurs veulent donner du sens à leur parcours et
être fiers des entreprises dans lesquelles ils vont travailler. Les talents
d’aujourd’hui et de demain vont, à salaire à peu près équivalent, privilégier les
valeurs de l’entreprise.
Bickley Park :
Une étude récente montre que la France
reste un des pays de l’OCDE où il est le plus simple de créer une entreprise,
en particulier dans les procédures administratives; était ce le cas quand vous
avez créé SINEO ?
Olivier Desurmont :
D’un point de vue administratif, la création d’entreprise en France est relativement
rapide et efficace comparée à d’autres pays que j’ai pu expérimenter. Cela dit,
les axes de progrès restent nombreux et l’on ne peut pas se satisfaire de
l’existant. L’un des bons points de l’aide à la création d’entreprise c’est la
multiplication des structures d’accompagnement locales ou nationales: Oseo,
Réseau Entreprendre, Réseau Initiative, France Angels, France Active, les BGE,
Les Cigales,…
Bickley Park :
Que vous a apporté, humainement,
cette expérience de création d’entreprise ?
Olivier Desurmont :
J’ai vécu de nombreux moments inoubliables, des échecs, des réussites, c’est la
densité de ses expériences qui a été exceptionnelle chez Sineo et maintenant
Cooptalis. C’est une école de la vie. Il y a eu beaucoup de rencontres avec des
salariés, des clients, des partenaires, des journalistes, intellectuellement
c’est une aventure enrichissante et qui justifie tous les efforts et sacrifices
réalisés.
Bickley Park :
Si un jeune créateur d’entreprise vous sollicitait pour son projet entrepreneurial,
quelles sont les cinq questions que
vous lui poseriez ?
Olivier Desurmont:
1/ Quelle vision avez-vous, à 5 ans, de votre projet?
2/ Vous êtes-vous entouré (et de qui) pour réussir ce
projet ?
3/ Quels sont vos outils de pilotage ?
4/ Quel est l’ADN de votre entreprise ?
5/ Avez-vous une stratégie commerciale bien définie ?
Merci Olivier Desurmont,
Thierry Biyoghé